Les ressources mondiales en eau menacées, selon un rapport de l’ONU
La croissance sans précédent de la demande menace tous les objectifs majeurs de développement, met en garde le Rapport mondial des Nations Unies sur l’évaluation des ressources en eau, « Gérer l’eau dans des conditions d’incertitude et de risque », qui a été rendu public lundi.
L’augmentation des besoins alimentaires, l’urbanisation rapide et le changement climatique exercent une pression croissante sur cette ressource. Face à cette situation, la gestion de l’eau doit être entièrement repensée, conclut ce Rapport présenté par la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, et le Président de l’ONU-Eau, Michel Jarraud, lors du Forum mondial de l’eau qui se tient à Marseille, en France.
« L’eau douce n’est pas utilisée de manière durable compte tenu des besoins et des demandes », assure Irina Bokova dans la préface du Rapport. « L’information reste disparate et la gestion est fragmentée. Dans ce contexte, l’avenir est de plus en plus incertain et les risques susceptibles d’augmenter ».
« Les défis, les risques et les incertitudes qui se dressent face au développement durable et aux Objectifs de développement du Millénaire des Nations Unies exigent une réponse collective de la communauté internationale », déclare Michel Jarraud. « L’ONU Eau relaiera les importants messages de ce Rapport sur l’eau lors du Sommet de Rio+20 en juin 2012 ».
D’après le Rapport, de nombreuses personnes dans le monde bénéficient désormais d’un accès à l’eau potable. 86% de la population des régions en développement y auront accès d’ici 2015. Mais aujourd’hui encore, un milliard de personnes ne disposent pas d’un tel accès et dans les villes leur nombre est en hausse. Les infrastructures sanitaires ne suivent pas le rythme de l’évolution urbaine mondiale, dont la population devrait pratiquement doubler d’ici 2050 pour atteindre 6,3 milliards de personnes. Aujourd’hui, plus de 80% des eaux usées dans le monde ne sont ni collectées ni traitées.
Dans le même temps, le Rapport estime que les besoins alimentaires devraient augmenter de 70% d’ici à 2050, avec une demande grandissante pour les produits d’origine animale. De fait, cette hausse de la demande alimentaire devrait se traduire par une augmentation de 19% de l’eau utilisée par le secteur agricole, qui représente déjà 70% de la consommation globale de l’eau. Mais les auteurs soulignent que ces chiffres pourraient être plus élevés encore si les rendements agricoles ne s’améliorent pas de manière significative dans les années à venir.
Pour répondre à l’augmentation continue de la demande, les eaux souterraines ont été largement mises à contribution. Résultat de cette « révolution silencieuse » : les prélèvements ont triplé au cours des 50 dernières années. Certains de ces bassins souterrains, non renouvelables, ont dores-et-déjà atteint un seuil critique. Face aux besoins agricoles croissants, de nombreux pays se tournent aujourd’hui vers d’autres pays disposant de terres fertiles, notamment en Afrique. On estime ainsi que l’achat transnational de terres est passé de 15-20 millions d’hectares en 2009 à plus de 70 millions aujourd’hui. Dans les accords signés entre pays, l’eau n’est jamais explicitement mentionnée.
Dans les années qui viennent, la pression croissante qui s’exerce sur l’eau devrait encore s’exacerber. Le changement climatique devrait en effet affecter cette ressource en modifiant la pluviosité, l’humidité des sols, la fonte des glaciers et l’écoulement des rivières et des eaux souterraines. Les risques liés à l’eau représentent 90% des risques naturels et leur fréquence et leur intensité s’accentue. Les auteurs du Rapport estiment que la production agricole de l’Asie du Sud et de l’Afrique australe sera la plus exposée au changement climatique d’ici 2030. Le stress hydrique devrait également augmenter dans le centre et le sud de l’Europe d’ici 2070, affectant près de 44 millions de personnes.
D’après le Rapport, ces pressions sur l’eau vont exacerber les disparités économiques entre les pays, mais aussi entre les différents secteurs et régions à l’intérieur des pays. Et cette évolution se fera au détriment des plus pauvres. Le sous-financement chronique n’a pas permis aux gestionnaires de l’eau de réaliser les adaptations qui sont nécessaires. Si l’eau ne tient pas une place plus importante dans les projets de développement, des milliards de personnes, notamment dans les pays en développement pourraient être confrontées à une réduction de leurs moyens de subsistance et de leurs chances de réussite. Une meilleure gouvernance des ressources en eau est nécessaire, notamment des investissements des secteurs privés et publics dans les infrastructures.