Le réchauffement climatique est-il responsable de Sandy ?
Pour certains experts, le cyclone qui touche la côte est des États-Unis serait une conséquence du réchauffement climatique. Une affirmation à relativiser, étant donné l’historique encore faible sur les données cycloniques. (Sciences et Avenir)
Le réchauffement climatique est-il responsable de Sandy ?
Pour certains experts, le cyclone qui touche la côte est des États-Unis serait une conséquence du réchauffement climatique. Une affirmation à relativiser, étant donné l’historique encore faible sur les données cycloniques.
La dangerosité de Sandy est surtout due à la largeur de la dépression. (AP/SIPA)
ALORS QUE LE cyclone Sandy est en train de toucher la côte est des États-Unis, plusieurs experts n’ont pas hésité à pointer du doigt le coupable : le réchauffement climatique. C’est notamment l’avis du biologiste mexicain spécialiste du climat Adrian Fernandez, interrogé par l’AFP à l’occasion de la conférence Inter-climat de Lima. Ou du britannique Nicholas Stern, qui a estimé que « le prix de l’ignorance des effets du changement climatique se traduirait par une hausse de la température dans le monde qui ne ferait qu’aggraver la situation. »
La mise en rapport de Sandy avec le réchauffement climatique laisse perplexe Patrice Galois, prévisionniste à Météo France : « Il est déjà arrivé qu’un cyclone remonte la côte est des États-Unis, comme dans les années 30. C’est rare mais cela n’est pas directement lié au réchauffement climatique. » Certains, comme Irène l’an dernier, sont déjà remontés jusqu’à Saint-Pierre et Miquelon et au Labrador, devenant ce que l’on appelle des cyclones extratropicaux, nourris non plus par la température des eaux de l’océan mais par le contraste entre températures atmosphériques.
Classiquement, un cyclone se forme dans des eaux à au moins 26 degrés sur plus de 60 cm de profondeur ; c’est le cas de Sandy, venu des Caraïbes où il a fait près de 70 morts. « On pourrait invoquer des changements climatiques si des cyclones naissaient dans des régions où ils n’ont pas l’habitude de se former, comme au large de l’Europe ou dans le bassin méditerranéen », continue Louis Galois. Même Nadine, qui avait suivi une route atypique en direction de la péninsule ibérique et du Maroc, était né comme souvent pour les cyclones violents au large du Cap Vert.
Un historique d’observation de quarante ans seulement
EN TOUT CAS, les données manquent encore pour corréler réchauffement et ouragans : l’historique des observations couvre seulement une quarantaine d’années. De plus, les projections sur l’occurrence des cyclones n’intègrent les observations par satellites que depuis dix ans. « Avant, on ne s’appuyait que sur des statistiques, qui en plus donnaient un rôle prépondérant à la température de la mer » complète Serge Planton, responsable de l’unité de recherche climatique de Météo France.
Établir l’impact des activités humaines sur l’occurrence de phénomènes climatiques implique un double travail de modélisation : définir une probabilité d’occurrence dans un environnement non perturbé et une autre probabilité en environnement perturbé, pour comparer. Un travail lourd, qui n’a été mené que deux fois : en 2006, suite à la canicule de 2003 en France, et en 2011 à partir des inondations au Pays de Galles en 2000.
Réchauffement climatique ou pas, impact humain ou pas, il n’y a pour l’heure pas d’augmentation du nombre de cyclones, qui s’établit à une cinquantaine par an. En revanche, les cyclones violents sont en hausse. « Ce pourrait éventuellement être causé par le réchauffement climatique, mais Sandy n’est justement pas un cyclone violent : il est classé force 2 [sur une échelle de 5, ndlr] » renchérit Louis Galois. Autrement dit, une chose semble acquise concernant Sandy : le réchauffement climatique n’y est – pour une fois – pas pour grand-chose !
Arnaud Devillard
30/10/2012