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    La relation entre ouragans et El Niño et le réchauffement de la Terre

    Avant de commencer ce sujet, je rappelle qu’il y a encore pas mal de choses à connaître au sujet du climat. Comme le chante Hugues Aufray dans « La gigue des Presque-rien » :

    Encore faut-il être conscient
    Qu’on sait presque tout
    Mais sur presque rien
    Qu’on sait presque rien
    Mais sur presque tout

    La formation des ouragans

     

    Les ouragans naissent sous forme d’une dépression tropicale. On parle de dépressions tropicales lorsque la latitude est inférieure à 35° de latitude, sinon ces sont des dépressions extratropicales. Dans cette zone, la température de la mer peut être élevée. On sait que pour que l’eau s’évapore, elle prend beaucoup d’énergie. Pour qu’un ouragan se forme il faut que la température de l’eau de l’océan dépasse 26 °C sur une épaisseur de plus de 200 m d’épaisseur. Le passage de l’eau liquide à l’état de vapeur d’eau nécessite une énergie importante qui est de l’ordre de 2258 Kj/Kg.  Cette énergie, tant que l’eau reste à l’état de vapeur, est latente (qui existe de manière diffuse, sans être apparent, mais qui peut à tout moment se manifester). L’air chaud, en montant, perd de la température et la vapeur d’eau se transforme en liquide, voire solide. L’énergie est restituée au milieu et comme cette énergie ne se perd pas, elle est rendue sous forme de mouvement (énergie cinétique). L’eau chaude de l’océan est donc le moteur de la dépression qui acquiert de l’énergie et augmente en puissance. La dépression devient une tempête tropicale dès que les vents moyens atteignent 34 nœuds (63 km/h). Lorsque ces vents dépassent 64 nœuds (119 km/h) il devient un cyclone tropical (ouragan dans l’Atlantique et le Pacifique Nord-Est, typhon en Asie de l’Est et cyclone dans les autres bassins océaniques). Selon la force du vent il appartient une catégorie qui va de1 à 5 dans l’échelle Saphir-Simpson (voir tableau 1).

    Tableau 1 : Echelle de Saffir-Simpson

    Catégorie

    Vitesse du vent

    Onde de tempête

    1

     Vents de 119 à 153 km/h

    1,2 à 1,5 m

    2

     Vents de 154 à 177 km/h

    1,8 à 2,4 m

    3

     Vents de 178 à 209 km/h

    2,7 à 3,7 m

    4

     Vents de 210 à 249 km/h

    4,0 à 5,5 m

    5

     Vents supérieurs à 249 km/h

    Plus de 5,5 m

     

    Dès qu’un cyclone tropical passe sur une terre, il est coupé de son apport d’énergie et redescend rapidement de catégorie. Mais, si les vents ont diminué en vitesse moyenne, les pluies et l’onde de tempête restent élevées. Les conséquences des régions touchées par ces ouragans devenus tempêtes tropicales, comme Harvey cette année, restent catastrophiques.

     

    Le cas de l’ouragan Ivan en 2004

     

    L’ouragan Ivan, du 2 au 24 septembre 2004, a eu une trajectoire très particulière. Né au cœur de l’océan Atlantique, il le traverse d’est en ouest jusqu’à l’ouest de Cuba. Il prend ensuite une direction septentrionale et aborde les États-Unis par l’état de l’Alabama. Il remonte vers le nord-est des États-Unis dans la région de Washington. Il arrive à nouveau sur l’Atlantique et se dirige vers le sud de la Floride. Il travers le sud de cet état d’est en ouest et poursuit sa route vers le Texas où la dépression tropicale disparait. Au cours de sa course, Ivan est passé par toutes les catégories (voir figure 1), il passe trois fois en catégorie 5. Sur les États-Unis, c’est une dépression tropicale jusqu’à la latitude 35°. En arrivant au large du Delaware, il n’est plus qu’une dépression extratropicale, en passant sur l’eau de l’Atlantique, il reprend de la vigueur et devient une tempête extratropicale. Il reprend un caractère tropical sur le golfe du Mexique sans atteindre le niveau d’ouragan jusqu’il ait disparu.

    Figure 1

    ivan.gif

    trajectoire de l’ouragan Ivan du 2 au 24 septembre 2004.

    Type

    Categorie

    couleur

     
     

    Depression

    td

    vert

     

    Tempête tropicale

    TS

    jaune

     

    ouragan

    1

    rouge

     

    ouragan

    2

    Rouge clair

     

    ouragan

    3

    Magenta

     

    ouragan

    4

    Magenta clair

     

    ouragan

    5

    Blanc

     

    Depression extratropicale

    ed

    vert olive

     

    Tempête extratropicale

    ES

    jaune orange

     

    Légende des couleurs de la figure ci-contre.

     

    El Niño

    Dans les conditions normales – non-El Niño – les vents dominants, les alizés, soufflent de l’est vers l’ouest dans la bande intertropicale. Ces mouvements continus de masses d’air au-dessus de l’océan repoussent l’eau chaude dans la partie occidentale du Pacifique.

    La température de l’eau de mer en surface est plus chaude que celle qui baigne les côtes du Pérou et de l’Équateur. La différence de température est d’environ 8 °C. La fraîcheur dans le bassin ouest de l’océan pacifique est accentuée par un courant froid, le courant de Humboldt, qui remonte de l’Antarctique vers l’équateur le long de la côte sud-américaine. En outre, le long du Pérou et de l’Équateur, il y a une remontée d’eau froide venant des profondeurs de l’océan. Dans la littérature scientifique, on désigne ce phénomène sous le terme anglais d’upwelling. Ces eaux froides sont à l’origine d’une richesse de la faune et la flore marine grâce aux éléments nutritifs qu’elles contiennent.

    Du point de vue climatologique, les eaux chaudes causent un réchauffement de l’atmosphère proche de la surface de l’océan. Cette chaleur engendre des mouvements ascendants ayant pour résultat des précipitations abondantes dans cette région du Pacifique – nord de l’Australie, Indonésie, Malaisie. Du coté sud-américain, l’eau froide a tendance à stabiliser l’atmosphère créant dans cette région un anticyclone qui engendre des conditions relativement sèches. Les observations satellitaires au niveau de l’équateur à 110 ° W de longitude, montrent que la température de l’eau y est d’environ 17 °C. La figure 1 montre un schéma de la région intertropicale de l’océan Pacifique avec les eaux chaudes en dessous du nuage au nord-est de l’Australie et en vert et en bleu les eaux froides au large du continent sud-américain. Il montre également le mouvement des masses d’air.

    Plusieurs mois avant qu’El Niño ne paraisse, il se produit une modification importante dans le régime des vents dans la bande intertropicale de l’océan Pacifique. Les alizés disparaissent dans la région occidentale du Pacifique et une circulation d’ouest vers l’est s’établit. Ces vents vont repousser les eaux chaudes le long de l’équateur vers l’Amérique. Lorsqu’elles arrivent au large de l’Équateur elles sont déviées vers le sud le long du Pérou et du nord du Chili.

    normal.png

    Figure 2 : Conditions océaniques et atmosphériques normales dans la zone intertropicale de l’océan Pacifique

    http://www.pmel.noaa.gov/toga-tao/el-nino/home.html

    Sur la figure 3, lorsque El Niño commence, on peut constater que les courants ascendants se déplacent de manière concomitante avec les eaux chaudes. Ils vont s’installer au large du Pérou et de l’Equateur. Ces régions normalement sèches vont connaître des précipitations abondantes. Dans la partie occidentale de la bande intertropicale du Pacifique, c’est l’inverse qui se produit et cette région pluvieuse connaît une période de sécheresse.

    La présence d’eaux chaudes au large de l’Amérique du Sud a reçu le nom d’El Niño (le petit enfant en espagnol) car ce phénomène se produit généralement près de la Noël. El Niño est la conséquence d’interactions entre la surface de l’océan et la couche atmosphérique qui la recouvre dans la région intertropicale du Pacifique. Les processus physiques qui l’engendrent sont compliqués, mais ils déterminent une instabilité dans l’interaction air-mer et dans le système des courants océaniques. Ce phénomène se produit à intervalles irréguliers avec une quasi-période de 2 à 4 ans, l’intervalle entre deux épisodes pouvant être plus long.

     

    elnino.png

    Figure 3 : Conditions océaniques et atmosphériques El Nino dans la zone intertropicale de l’océan Pacifique

    e moyenne de la température de l’eau. L’anomalie est la différence entre la température mesurée et la normale

    http://nic.fb4.noaa.gov:8000/research/cmb/gif/oisst_trop.gif

    La Niña est caractérisée par une température très basse de l’eau dans la partie équatoriale de l’océan Pacifique. Il s’agit en fait d’une situation opposée à celle du El Niño. Les anomalies climatiques associées à La Niña ont tendance à être les contraires de celles dues à El Niño. La Niña est aussi appelée El Viejo.

    Lien entre El Niño et ouragan

     

    Nous avons vu que le phénomène El Niño provoque un déplacement des masses d’air dans la ceinture intertropicale. Les dépressions sont remplacées par des hautes pressions et inversément. Là où il y avait de fortes pluies, elles deviennent rares et là où elles étaient rares, elles deviennent très abondantes. La région des Antilles connaît habituellement des zones de basses pressions favorables aux développement des ouragans. Cette situation est prépondérante lors des épisodes neutres dans la zone des Caraïbes et encore plus accentuée lors des épisodes La Niña. Quand El Niño est prépondérant, on constate une activité moindre de la saison cyclonique. Ainsi, lors du puissant El Niño de 2015, il y a eu seulement 12 phénomènes de dépressions tropicales : huit n’ont atteint que le niveau de tempête, quatre se sont développées en ouragan (2 de force 1n un de force 3 et un de force 4). Ou encore pendant le grand El Niño de 1983, l’Atlantique n’a connu que 6 épisodes tropicaux dont 3 tempêtes et 3 ouragans (2 de force 1n un de force 3). Pendant La Niña, on connait généralement une activité cyclonique plus importante : lors du La Niña de 2000 on a eu 19 tempêtes tropicales dont 8 ouragans (4 de force 1, un de force 2, un de force 3 et deux de force 4).

    Cette année 2017 est une année neutre. La saison n’est pas encore finie et on a déjà eu 12 tempêtes tropicales, les six dernières ont atteint le niveau ouragan (un de force 1, deux de force 2, deux de force 4 et un de force 5). Et la saison n’est pas finie, loin de là.

    Et le réchauffement climatique

     

    Bien entendu quand on connait une belle activité cyclonique, tout de suite la question de réchauffement de la Terre vient sur toutes les lèvres surtout chez les journalistes. Là il faut différencier les zones océaniques. Il faut aussi considérer la manière de les observer et de l’évolutions des technologies d’observation. Quand on examine les années du 19ème siècle, on constate que ce sont les épisodes sur ou proche des terres qui sont notés comme on peut le voir la carte des cyclones tropicaux de l’année 1860 (voir figure 4). Il est évident que les bateaux ne s’aventuraient pas dans ces zones dangereuses d’où le manque d’observation en mer.

     

    1860.gif

    Figure 4 : cyclones tropicaux observés en 1860

    Plus tard, les avions, les radars améliorent leur observation devient plus précisent. Comme on peut le remarquer sur la carte de 1951 (voir figure 5).

     

    1951.gif

    Figure 5 : cyclones tropicaux observés en 1951

    A partir de la décennie 1960, les satellites ont permis une vision plus précise encore et les satellites géostationnaires permettent l’analyse directes des phénomènes ; plus aucun phénomène ne nous échappe. L’exemple le plus remarquable fut l’année 2005 où le nombre de cyclones tropicaux fut remarquable avec 31 épisodes cycloniques (voir figure 6). On a eu sept ouragans de force 1, un de force 2, deux de force 3, un de force 4 et trois de force 5. Cette année a été si particulièrement importante en nombre d’épisodes que la liste des noms d’ouragan a été épuisée et on a dénommé les suivants par des lettres grecques.

     

    2005.gif

    Figure 6 : : cyclones tropicaux observés en 2005

    Que doit-on retenir de cela ? La question du réchauffement climatique n’est pas facile à détricoter par rapport à d’autres facteurs comme les épisodes El Niño, les techniques d’observations ou encore la variation annuelle des températures car une année n’est pas l’autre.

    Si on ne peut encore préciser la tendance de la fréquence des ouragans, il semble que celle de typhons est en hausse significative depuis deux décennies. Celle-ci peut s’expliquer, entre autres, par une extension de zone où la température de l’eau de mer dépasse 26°C dans le bassin Pacifique ouest où les typhons se développent.

    Ce qui est plus préoccupant, c’est l’augmentation générale des ouragans de catégories 4 et 5. En même temps que l’augmentation de la température de l’air, la température de l’eau augmente également. Cela entraine que les ouragans ont plus d’énergie disponible et les ouragans puissants comme Katerina, Harvey et bien d’autres encore ont tendance à être plus fréquents même lors des périodes cycloniques moins actives.

    Conclusion

     

    Si en dehors de l’Atlantique, les zones où la température de l’eau de mer a tendance à s’étendre, l’aire de développement des cyclones tropicaux plus grande engendre une fréquence plus importante des typhons et autres cyclones.

    Mais dans tous les bassins Atlantique, Pacifique ouest, est sud et indien nord et sud, l’intensité les cyclones intenses a tendance à augmenter et le phénomène est déjà sensible.

    La Terre va devoir s’adapter à cette nouvelle situation climatique : le nombre de personnes touchées et les montants des dégâts vont devenir un réel problème de sociétés.